Poésies (Amélie Gex)/Un jour la Vérité se lassant d’être nue

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 158-159).

APOLOGUE.


Un jour, la Vérité se lassant d’être nue
Mit un jupon.
La dame ainsi parée et sans être connue
Chez un fripon
S’en vint doucettement lui conter la morale
D’un ton badin ;
La chose plut d’abord au fripon qui l’avale
Sans nul dédain.
Contente d’avoir pu sans paraître importune
Placer son mot,
On la vit s’enhardir jusqu’à chercher fortune
Auprès d’un sot.
Un sage qui suivait pas à pas la déesse,
D’un air discret,
À la fin, comprenant sa merveilleuse adresse,
Prit son secret.
Au manteau de zénon cousant des broderies,
Il inventa
De nous morigéner par des allégories
Qu’on écouta…

Moi, sans joindre à ces vers aucun autre épilogue,
J’espère bien
Avoir pris pour conter mon modeste apologue
Le bon moyen,
Et prouver qu’au public, atteint de ridicule
Pour s’en tirer,
Un conteur ne doit point donner une pillule
Sans la dorer.