Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 146-148).

RÊVE.


Veux-tu dans la solitude
Nous mettre à nous adorer ?

V. H. (Contemplations.)


Avril est la saison des nids ;
Les bois bénis
Sont comme un temple ;
Jeanne, de la lune de miel
Tout sous le ciel
Donne l’exemple.

C’est le temps où dans chaque cœur,
Comme un vainqueur,
Amour se lève ;
Chère mignonne, si tu veux,
Faisons tous deux
Le même rêve.

Sois ma fauvette et je serai,
Bien pour de vrai,
Ton rouge-gorge ;
Nous bâtirons une maison
De fin gazon
Et de brins d’orge.

Pour être seuls et mieux songer,
Allons loger
Près de la nue,
À l’abri sous quelque rameau
Du vieil ormeau
De l’avenue.

Ses feuilles en se refermant,
Au nid charmant
Feront un voile,
Clair et léger pour que le soir
Nous puissions voir
Passer l’étoile.

Et de chez nous, chaque matin,
Dans le lointain,
Quand tout s’irise,
Nous verrons l’aube en manteau bleu
Blanchir un peu
La plaine grise.

Puis, descendant des cieux dorés,
Très-affairés
De petits anges
S’en viendront frapper aux volets
Des roitelets
Et des mésanges.


Disant : « Oiseaux, faites chorus
À l’Angelus
Que l’airain sonne.
Chantez, chantez, c’est pour l’amour
Encor un jour
Que Dieu vous donne ! — »

Nous qui serons hôtes des bois,
De nos deux voix,
Echos fidèles,
Nous répondrons : « Ainsi soit-il !
L’amour !… le mil !…
Et nos deux ailes !… »