Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 183-184).

À ***



Toi qui sais maintenant le secret de l’azur,
Pourquoi sur chaque front une pierre retombe,
Ce que contient de vide ou d’espoir une tombe
Et quelle aube se lève au-delà de ce mur,

Réponds ! Dois-je, roulant sur la pente déclive
Où se heurtent pressés les mortels éperdus,
Vers un but incertain, comme eux, les bras tendus,
Laisser mon frêle esquif voguer à la dérive ?

Dois-je, oubliant mon vol comme un oiseau blessé,
Tristement, me blottir en ma désespérance,
Ployer, indifférent, au poids de la souffrance,
Ce front que l’idéal a jadis caressé ?…

Ou faut-il, champion que nul coup ne rebute,
Vers l’Eden inconnu le regard élevé,
Par l’austère malheur, fier athlète éprouvé,
Sans trêve et sans terreur, accepter chaque lutte ?


Oh ! pitié pour ce cœur assombri par le deuil !
Pitié pour cette foi qui chancelle et qui tremble !
Réponds ! Si le trépas quelque jour nous rassemble,
Verrai-je du tombeau s’illuminer le seuil ?

De ce Ciel tant rêvé qui se dérobe encore,
Pourrai-je dans la mort découvrir la clarté ?
Et mon œil, rajeuni par l’immortalité,
S’ouvrant sur l’infini, s’emplira-t-il d’aurore ?…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Oh ! le temps ne m’est rien si je garde l’espoir !

Qu’importe le désir et qu’importe l’attente !
En souffrant, je puis dire à mon âme constante :
C’est peut-être demain !… c’est peut-être ce soir !