Poésies (1820)/Romances/Le Troubadour en voyage

PoésiesFrançois Louis (p. 141-143).


LE TROUBADOUR EN VOYAGE.


« Avec ta gente mie,
Où vas-tu, troubadour ? »
« — Je vais à ma patrie
Demander un beau jour.

« Salut, rive enchantée,
Qui vis mes jeunes ans ;
De mon âme agitée
Reconnais les accens !

« Jadis ma souveraine
À sa cour m’arrêta ;
Et pour si noble reine
Ton troubadour chanta.

« Des belles la plus belle
Tombe en captivité ;
Avais chanté pour elle ;
Perdis ma liberté !


« De l’auguste Marie
Déplorai les malheurs :
En ce temps de furie,
On punissait les pleurs…

« Pour charmer ma misère,
Orgueil du troubadour,
J’ai chanté Bélisaire,
Henri Quatre et l’Amour.

« N’ai sauvé de ma chaîne
Que ma lyre et l’honneur ;
Et l’or, qui tout entraîne,
N’entraîna pas mon cœur.

« Pastourelle naïve
Écouta mes leçons ;
Sa voix tendre et plaintive
Y mêla ses doux sons.

« La jeune enchanteresse,
Écolière d’Amour,
Devint dame et maîtresse
Du pauvre troubadour.


« Au lieu de ta naissance,
Dit-elle, conduis-moi ;
Tu m’appris ta romance,
La chanterai pour toi.

« Venez donc, gente mie,
Lui dit ton troubadour ;
Allons à ma patrie
Demander un beau jour.

« Lyre ! ma douce lyre !
Obéis à mon cœur !
Le chant que je soupire
Est le chant du bonheur ! »