Poésies (1820)/Élégies/Les Regrets

PoésiesFrançois Louis (p. 91-illus).


LES REGRETS.


J’ai tout perdu ! mon enfant par la mort,
Et… dans quel temps ! mon ami par l’absence.
Je n’ose dire, hélas ! par l’inconstance ;
Ce doute est le seul bien que m’ait laissé le sort !

Mais cet enfant, cet orgueil de mon âme,
Je ne le devrai plus qu’aux erreurs du sommeil.
De ses beaux yeux j’ai vu mourir la flamme,
Fermés par le repos qui n’a point de réveil.

Comme échappé du ciel, il passa dans le monde ;
D’un ange il y montra la forme et les attraits ;
Pour payer ce moment de douceur sans seconde,
Mes pleurs devaient couler pour ne tarir jamais !

Petit enfant, doux trésor d’une mère,
Gage adoré de mes tristes amours,
Tes beaux yeux, en s’ouvrant un jour à la lumière,
Ont condamné les miens à te pleurer toujours !


À mes transports tu venais de sourire ;
Mes bras, tremblans de joie, entouraient ton berceau ;
Le sommeil me surprit dans cet heureux délire…
Je m’éveillai sur un tombeau !

Moment affreux dont je suis obsédée !
Pour vous tracer je n’ai force ni voix !…
Mon Dieu ! faut-il le perdre, à toute heure, en idée ?
Mon Dieu ! pour en mourir c’est assez d’une fois !

C’est ici, sous ces fleurs, qu’il m’attend, qu’il repose !
C’est ici que mon cœur se consume avec lui…
Amour ! plains-tu les maux où ton délire expose ?
Non ! tu nous fuis, ingrat, quand le bonheur a fui !


Chasselat Nargeot
Courez, petit enfant, vous jeter dans son sein !
Ce jour est sans nuage… ah ! passez-le près d’elle !
Un beau soir a souvent un affreux lendemain !…