Poésies (1820)/Élégies/L’Insomnie

PoésiesFrançois Louis (p. 55-56).
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L’INSOMNIE.


Je ne veux pas dormir ; ô ma chère Insomnie,
Quel sommeil aurait ta douceur !
L’ivresse qu’il accorde est souvent une erreur,
Et la tienne est réelle, ineffable, infinie !
Quel calme ajouterait au calme que je sens ?
Quel repos plus profond guérirait ma blessure ?
Je n’ose pas dormir ; non, ma joie est trop pure…
Un rêve en distrairait mes sens !

Il me rappellerait peut-être cet orage
Dont tu sais enchanter jusques au souvenir ;
Il me rendrait l’effroi d’un douteux avenir,
Et je dois à ma veille une si douce image !
Un bienfait de l’Amour a changé mon destin ;
Oh ! qu’il m’a révélé de touchantes nouvelles !
Son message est rempli ; je n’entends plus ses ailes ;
J’entends encor : Demain ! demain !

Berce mon âme en son absence,
Douce Insomnie ; et que l’Amour

Demain me trouve, à son retour,
Riante comme l’Espérance !
Pour éclairer l’écrit qu’il laissa sur mon cœur,
Sur ce cœur qui tressaille encore,
Ma lampe a ranimé sa propice lueur,
Et ne s’éteindra qu’à l’aurore.
Laisse à mes yeux ravis briller la vérité :
Écarte le sommeil ; défends-moi de tout songe :
Il m’aime, il m’aime encore !… Ô Dieu ! pour quel mensonge
Voudrais-je me soustraire à la réalité !