Poème de la prison/Ballade LVI

Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 74-75).

BALLADE LVI.

     Sitost que l’autre jour j’ouy
Que ma souveraine sans per
Estoit guerie, Dieu mercy,
Je m’en alay sans point tarder
Vers mon cueur pour le lui conter ;
Mais certes tant le desiroit,
Qu’à paine croire le povoit,
Pour la grant amour qu’a en elle,
Et souvent apar soy disoit :
Saint Gabriel, bonne nouvelle !
     Je lui dis : mon cueur, je vous pry,
Ne vueilliez croire ne penser
Que moy, qui vous suy vray amy.
Vous vueille mensonges trouver,
Pour en vain vous reconforter.
Car, trop mieulx taire me vaudroit.
Que le dire se vray n’estoit ;
Mais la verité si est telle.

Soyez joyeulx comment qu’il soit.
Saint Gabriel, bonne nouvelle !
     Alors mon cueur me respondy :
Croire vous vueil sans plus doubter,
Et tout le courrous et soussy
Qu’il m’a convenu endurer,
En joye le vueil retourner ;
Puis après, ses yeulx essuyoit
Que de plourer moilliez avoit,
Disant : il est temps que rappelle
Espoir qui delaissié m’avoit.
Saint Gabriel, bonne nouvelle !


ENVOI

     Il me dist aussi qu’il feroit,
Dedens l’amoureuse chapelle,
Chanter la messe qu’il nommoit
Saint Gabriel, bonne nouvelle.