PleureusesErnest Flammarion (p. 69-70).


Je sens trembler un peu la douceur de la vie…


Tu viendras dans mon âme avec un grand air triste,
J’entends des voix chanter dans la longueur des jours,
J’entends des chants lassés qui finissent toujours,
Et le ciel s’assombrit comme un cœur qui s’attriste.

Il nous faudra longtemps, purs et silencieux,
Nous qui sommes venus les derniers dans les choses,
Deviner la détresse au fond des âmes closes,
Et voir la solitude au fond de tous les yeux.


Hélas, sans le vouloir, dans mon mal solitaire,
Je conduirai celui qui m’a donné la main,
Et j’ai peur en voyant l'angoisse du chemin
Où je dois m’en aller avec mon petit frère.

Que puis-je te donner, petit prince aux yeux doux,
Que puis-je te donner pour la marche sans trêve,
Sinon un peu d’orgueil entrevu dans un rêve
Et ce bonheur lassé qui pleure au fond de nous !

Oh ! ne ferai-je pas mourir ta gentillesse
En te montrant la vie et son décor très noir,
Et les pauvres malheurs qui font l’adieu du soir,
Et toute la grandeur et toute la tristesse !