Supplique (1895)
PleureusesErnest Flammarion (p. 53-56).
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LE SOIR EN FÊTE


Dans le silence et la musique de ton âme.


SUPPLIQUE


Oh ! puisses-tu m’aimer jusqu’à ne plus savoir !


C’est le jour triste qui se lève,
Le long cauchemar s’est éteint.
Je sens la pâleur du matin
Et le brouillard frais à mon rêve.

C’est, comme une aube d’autrefois,
Une candeur qui se révèle…
Je te dis ma chanson nouvelle :
Elle est douce, comme tu vois.

Douce comme le matin blême
Qui vient auprès de mon sommeil
Me parler tout bas du soleil,
Douce comme l’amour que j’aime,


L’amour, mystérieux glaneur
Des bonnes choses qu’on prodigue,
Qui vient auprès de ma fatigue
Me parler tout bas du bonheur.

Tout ce passé, tout ce passage
D’hiver gris et de printemps bleu,
Éloignons-nous qu’il dorme un peu.
C’est quand on dort que l’on est sage.

Dormons dans la maison en deuil ;
Dans le grand silence des choses
Nous verrons les aurores roses,
Toi le bonheur et moi l’orgueil.

Laisse-moi le triste et long rôle.
Oh longtemps, longtemps sous nos cieux
Laisse ce rêve dans tes yeux
Et la tête sur mon épaule.