Petit dictionnaire ministériel/Texte entier/I

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I.


Importance bureaucratique. Le chef du bureau, le sous-chef, l’expéditionnaire sont d’autant plus portés à se croire des personnages, qu’ils parlent toujours au nom du ministre. L’importance bureaucratique trouve un inépuisable aliment dans les cartons et la paperasse. Un commis, flanqué de son répertoire et de ses numéros, vous demande avec hauteur votre nom, vos prénoms, et, après avoir longuement feuilleté et refeuilleté, fier d’en avoir fait la découverte, il vous dit : « Vous voilà ; vous vous appelez Dupré, » et il rehausse son col et sa cravate.

Impôts. Écot que paient les sujets à l’état. En Angleterre, pour soutenir des guerres injustes ou corrompre un parlement ; en Espagne, pour orner une châsse et payer le voyage de quelques religieux ; en Italie, pour héber- ger des cuirassiers allemands ; en Russie, pour enrichir des danseurs et des généraux ; à Rome, pour soudoyer de mauvais soldats et de bons chanteurs. Selon l’équité, les impôts doivent être également répartis ; mais, en France, on diminue les impôts d’un homme qu’on persécute, et l’on augmente ceux d’un homme qu’on protége : singulière faveur, et bizarre manière de marquer ses élus !

Indemnité de premier établissement. Elle est de 25 000 francs. Ceci rappelle que les mêmes hommes, qui ont été ministres quatre ou cinq fois, ont dû recevoir 100 ou 125 000 francs d’indemnité de premier établissement. C’est une prime qui ne laisse pas d’être encourageante. Si un homme d’état était assez habile pour faire quatre ministères par mois, son petit revenu s’élèverait à 1 200 000 francs, ce qui n’est pas rigoureusement impossible : nous avons vu plusieurs ministères de huit jours.

Indigestion. Calamité ministérielle qui empêche M. Gotteau d’Hancardrie de se rendre à une demi-douzaine d’invitations le même jour. L’honorable M. Piet, que quelques mauvais plaisans ont surnommé le restaurateur du ministère, porte aussi le surnom de l’homme aux indigestions.