Pensées d’août/À madame V.

Pensées d’aoûtMichel Lévy frères. (p. 261-262).

À MADAME V.


Jamais je n’ai couru lacs, montagnes et plaines,
Ou les hameaux épars, ou les cités si pleines,
Tant d’échos où de nous nul bruit ne retentit,
Sans mieux sentir en moi, d’impression profonde,
Combien grand est le monde,
Combien l’homme petit !

Je n’ai jamais, de près, vu la ville où je passe,
Les secrets coins du monde où le hasard me chasse,
Sans admirer leur prix hors de nos vains débats,
De tant d’esprits divers sans saluer le nombre,
Plus solides dans l’ombre
Et qu’on ne saura pas.

Je n’ai jamais vécu d’hospitalière vie,
Pèlerin de passage, au toit qui me convie,
Sans éprouver qu’il est encor de bonnes gens,

Des justes à sauver la vertu sur la terre,
À consoler le Père
Dans les cieux indulgents.

Non plus, je n’ai jamais, au retour d’une absence,
Revu Paris si cher, sans mieux voir sa puissance,
Sans y plus admirer tant de noms rattachés ;
Surtout sans raccourir, d’une amitié plus tendre,
Vers qui veut bien m’attendre,
Vers les amis cachés !