Pendant l’orage/Poèmes de France

Librairie ancienne Édouard Champion (p. 91-92).

POÈMES DE FRANCE



20 janvier 1915.


Les revues littéraires ont à peu près toutes cessé de paraître et celles qui ont persévéré s’ouvrent plus volontiers à des considérations politiques ou économiques qu’à la poésie. Cela faisait mal l’affaire de M. Paul Fort, dont la fécondité toujours en éveil avait besoin de se répandre. Alors il a fondé les « Poèmes de France », un petit bulletin qui, depuis deux mois passés, nous apporte tous les quinze jours quelques « ballades » douloureusement émues ou ironiques. Il faut entendre « ballades » au sens bien particulier qu’a donné Paul Fort à ce poème. Son premier recueil s’appelait Il y a des cris. Les ballades qu’il a données depuis sans se lasser jamais furent toujours des cris : cris d’amour, cris de joie, cris qui sont des étonnements, cris qui sont des sanglots, cris qui sont toujours de la poésie. Un autre eût appelé cela des chants ou des odes, mais il a si bien fait que l’on s’est habitué au mot « ballade » et qu’il semble que rien ne convienne mieux à ces poésies jaillissantes où l’émotion est encore familière, même quand elle est héroïque. Les voilà, ces poèmes de la guerre dont on attendait le clairon et le sanglot, le cri et le sifflement : « Halte ! et dans la splendeur de l’automne empourprée, — Joffre a laissé traduire au clairon son beau cri : — Qui vole matinal de Verdun à Paris, — Sur le coteau, sous bois, au fleuve et par les prés ! » Ainsi commence la « ballade » de La victoire de la Marne. Comment ne se trouve-t-il pas un riche amateur qui fasse envoyer aux armées cent mille exemplaires de ce Poème de France ? Cela leur serait un beau réconfort et, lu en face des « Autres », quel effet sur les cœurs !