Pendant l’orage/Industries de guerre

Librairie ancienne Édouard Champion (p. 67-68).

INDUSTRIES DE GUERRE



22 décembre 1914.


Ce sont les petites industries dont je veux parler, les industries accessoires basées sur notre besoin de bien-être relatif et destinées à diminuer autant que possible l’inconfort du soldat en campagne. Je suis bien sûr que le paysan serbe, dans un climat analogue, s’est moins préoccupé que nous des nuits en plein air et que ses sœurs ou sa mère ont, moins fébrilement que les nôtres, ourdi les tricots de laine. La race est plus dure. Ce travail personnel de la laine, sa transformation en vêtements de toute forme, aura été pour les femmes de France le grand œuvre de cet hiver. Beaucoup ne savaient qu’à peine ou ne savaient plus, car on trouvait tous ses besoins et aussi toutes ses fantaisies dans le commerce. C’est donc un métier qu’elles ont dû apprendre ou dans lequel elles ont dû se perfectionner. Voilà la première des petites industries créées par la guerre. Il en est d’autres du même genre qui nécessitaient un outillage hors de la portée des particuliers. De tous côtés ont surgi d’ingénieux moyens d’assurer le couchage du soldat, en le préservant soit du froid, soit de la pluie. Les abondantes pluies de l’automne avaient fait sortir le « parapluie du soldat », qui est à la fois une couverture, un manteau et un sac de couchage. Ces inventions se sont multipliées. La chimie s’ingéniait de son côté à combiner des systèmes de réchauffage des aliments sans feu visible. Nous eûmes le « réchaud des tranchées ». Enfin la pharmacie découvrit qu’elle détenait nombre de spécialités qui semblaient avoir été imaginées pour assurer la santé de qui couche à la belle étoile. Il n’est pas jusqu’à un stylographe bien connu qui ne semble avoir été inventé qu’en vue de la correspondance militaire. Et sous toutes ces formes apparaît notre ingéniosité.