Pendant l’orage/Communion

Librairie ancienne Édouard Champion (p. 11-12).

COMMUNION



15 octobre 1914.


C’est un très beau mot que celui de cette dame qui disait l’autre jour, à propos des « Taube » : « C’est un danger qui ne me déplaît pas. Il nous rapproche des combattants. Il nous anoblit. » Voilà un sentiment très digne et que plus d’un cœur partagera, mais il faut bien dire que ce péril, bien que suspendu sur nos têtes, n’est pas de ceux dont il soit permis de frémir. Il est bien moindre, à tout prendre, que celui que faisaient encore courir aux Parisiens, il n’y a pas plus de trois mois, les automobiles, et aux automobilistes, le goût inconsidéré de la vitesse. Risquer sa vie, risquer son intégrité corporelle, ce qui est pire, n’y sommes-nous pas de longtemps habitués ? Quand on avait traversé quelques avenues fréquentées, quand on avait fait une course à pied à travers Paris, n’avait-on point bravé dix fois la mort ? Mais c’était sans y penser. Tous les dangers ne sont pas imaginaires, mais c’est l’imagination qui les rend redoutables. À la guerre même, et dans l’effroyable guerre moderne, il est moindre que ne se le représente notre sensibilité. Quand on a les nerfs solides (les miens sont malheureusement très fragiles), on arrive très vite à en dominer l’impression. La meilleure preuve, ce sont ces lettres de bonne humeur et de sang-froid qui nous arrivent du front, griffonnées entre deux volées de mitraille. Quoi qu’invente l’homme pour se faire peur, il n’arrive pas à subjuguer la volonté des braves. Unissons-nous à ceux-là par la pensée et nous serons braves aussi contre la pensée déprimante.