Pendant l’orage/À l’Académie

Librairie ancienne Édouard Champion (p. 19-20).

À L’ACADÉMIE



28 octobre 1914.


On a prêté à l’Académie le projet d’accueillir par acclamations M. Maeterlinck. L’acclamation est peu académique et on regrettera qu’il ait fallu les tragiques circonstances actuelles pour que l’Académie reconnaisse qu’un écrivain belge, après tant de beaux livres, soit digne de prendre place à côté de plusieurs écrivains français qui font moins d’honneur à la France que M. Maeterlinck n’en fait à la Belgique. Puis il y a la question de la naturalisation. Il est dur, en ce moment-ci, pour un Belge, de cesser d’être Belge, même pour devenir Français. Je voudrais autre chose. Je voudrais que M. Maeterlinck posât sa candidature, fît les visites d’usage, fut soumis à un scrutin et que personne n’eût l’air de s’apercevoir qu’il y a là je ne sais quelle entorse aux règlements. Il deviendrait Français puisqu’il serait membre de l’Académie française et il resterait Belge, car c’est un honneur qu’on ne saurait songer à lui enlever. Et M. Émile Verhaeren entrerait par la même porte à la prochaine vacance. Le regret serait de ne pas pouvoir les faire entrer fraternellement tous les deux le même jour. Dans le milieu littéraire français où ils conquirent d’abord la gloire, avant d’être adoptés par le grand public, on ne met pas en effet l’un d’eux au premier rang. Le grand poète n’y cède pas la place au grand prosateur, essayiste et dramaturge. Tous les deux sont parmi les plus beaux représentants de la littérature française.