Pausanias, Béotie-1, chapitre XIX

Traduction par M. Clavier.
J.-M. Eberhart (5p. 111-116).

CHAPITRE XIX.


Temple de Minerve Telchinia. Ruines de Glisante. Mont Hypatus et temple de Jupiter Hypatus. Ruines de Harma et de Mycalesse. Temple de Cérès. Aulis et ses monuments.

ON trouve sur la même route un endroit nommé Teumesse, où l'on dit que Jupiter cacha Europe. Il y a encore une autre tradition sur un renard nommé Teumésius, monstre que Bacchus irrité avait produit pour le malheur des Thébains ; comme il allait être pris par le chien que Diane avait donné à Procris, fille d'Erecthée, il fut changé en pierre ainsi que le chien. On voit à Teumesse un temple de Minerve Telchinia où il n'y a point de statue. On peut conjecturer à l'égard de ce surnom, qu'une portion de ces Telchines qui habitaient jadis l'île de Chypre, étant venus dans la Béotie, y érigea ce temple de Minerve.


A gauche de Teumesse, en avançant sept stades, vous remarques les ruines de Glisante. Devant ces ruines, à droite du chemin, est un tertre peu élevé couvert de broussailles et d'arbres cultivés ; c'est là que lors de l'expédition faite contre Thèbes sous les ordres d'Aegialéus, furent enterrés différents chefs des Argiens et entre autres Promachus, fils de Parthénopseus. Quant à Aegialéus, on lui érigea un tombeau à Péges, comme je l'ai déjà dit dans la description de la Mégaride.

Il y a sur le sentier qui conduit de Thèbes à Glisante un endroit entouré de pierres de choix, que les Thébains nomment la Tête du Serpent. Ils prétendent que ce serpent, dont l'espèce n'est pas connue, ayant mis dans cet endroit la tête hors de son trou, Tirésias qui se trouvait auprès, la coupa avec son épée. C'est de cette tradition que ce lieu a pris son nom. Au-dessus de Glisante est le mont Hypatus, sur lequel on trouve le temple de Jupiter Hypatus avec sa statue ; on donne le nom de Thermodon au torrent qui coule auprès. En revenant à Teumesse et au chemin de Chalcis, vous voyez le tombeau de Chalcodon, qui fut tué par Amphitryon dans le combat entre les Eubéens et les Thébains.

Vous rencontrez ensuite les ruines des villes de Harma et de Mycalesse ; la première de ces villes a pris son nom du char d'Amphiaraüs qui y fut englouti, à ce que disent les Tanagréens, et non dans l'endroit que montrent les Thébains. Quant à Mycalesse, on convient qu'elle a été ainsi nommée, parce que ce fut dans ce lieu que beugla la vache qui conduisit Cadmnus et son armée à Thèbes. On a déjà vu dans la description de l'Attique de quelle manière Mycalesse fut abandonnée par ses habitants ;

on y voit sur les bords de la mer le temple de Cérès Mycalessienne ; on assure qu'il est fermé chaque nuit et ouvert ensuite par Hercule, l'un des Dactyles Idéens. Une autre merveille qu'on vous fait encore observer dans ce temple, c'est qu'on y met devant les pieds de la statue, toutes les productions de l'automne, et qu'elles s'y conservent fraîches toute l'année.

Le temple est à droite de l'Euripe qui sépare de ce côté la Béotie de l'Eubée ; en avançant un peu vous trouvez Aulis, qui a pris, dit-on, son nom d'une fille d'Ogygès. II y a là un temple de Diane et deux statues en marbre blanc; l'une la représente tenant des torches, et l'autre, tirant de l'arc. On sait que les Grecs se disposant à sacrifier Iphigénie sur son autel, d'après les prédictions de Calchas, la déesse substitua une biche pour victime.

On conserve encore dans le temple du bois du platane dont Homère a fait mention dans l'Iliade. On dit que les vents ayant été quelque temps contraires aux Grecs pour leur navigation, ils devinrent tout-à-coup favorables, et qu'alors chacun s'empressa de sacrifier à la déesse tout ce qu'il avait en victimes, mâles ou femelles ; aussi depuis ce temps-là est-il resté en usage à Aulis d'offrir toutes sortes de victimes. On vous montre aussi la fontaine vers laquelle était le platane, et sur la colline voisine, le seuil en bronze de la tente d'Agamemnon ;

devant le temple il y a des palmiers dont le fruit n'est pas aussi bon à manger que celui des palmiers de la Palestine ; cependant il mûrit mieux que dans l'Ionie. Aulis n'est pas très peuplée ; ses habitants sont tous potiers de terre. Tout ce pays ainsi que celui de Harma et de Mycalesse est occupé par les Tanagréens.