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176 SULLY PRUDHOMME

pressés et pleins de la VIII e veille, le ton du poète change. Le réquisitoire qui paraissait si accablant se transforme en apologie, et le commen- tateur attristé de Darwin aboutit à une conception de la nature qui a la sérénité de la philosophie de Marc-Aurèle. L'attitude de l'homme devant l'univers est changée. Dans la première partie du poème l'homme s'étonne, proteste et condamne; dans la seconde, il comprend et il admire. La nature, qui semblait d'abord conseiller l'écrase- ment de la faiblesse et le recours perpétuel à la force, recommande la justice, l'amour et la dignité. La méditation du poète l'a porté au cœur même des choses, et il a entendu l'enseignement que donne le rythme de la vie et de la mort. Ensei- gnement émouvant qui est le chant des origines, le rappel des primitives douleurs et l'annonce des réconciliations futures! Alors la nature apparaît non plus avec un regard enfiévré par la bataille, ni avec ces gestes sournois ou terribles qu'elle montre dans l'œuvre de Darwin et de Scho- penhauer, mais avec un air douloureux, à la fois maternel et grave. Et cette nature, tant calomniée, semble dire à l'homme : Tu t'étonnes, ô enfant qui m'as tant coûté, enfant ingrat, de mes vio-