isolé, chacun tend à sortir de son cercle intérieur d’existence pour se lier avec d’autres. Et c’est ainsi que se prolonge ce rêve de l’unité du monde entier comme la forme la plus haute de toute liaison ; il se continue à travers tous les temps, sans cesse à flot jusqu’à ce qu’il se réalise.
Ce rêve de l’unité de l’humanité est le plus ancien du monde et,
dans le livre le plus ancien et le plus saint que nous possédions, dans
la Bible, nous le trouvons déjà écrit noir sur blanc. Rappelez-vous
cette légende au sens profond que l’on rencontre dès les premières
pages de ce livre vénérable, la légende de la Tour de Babel. À peine
émergés des ténèbres de l’inconnu, ayant à peine pris conscience
de leur force, les hommes se réunirent et dirent : « Construisons
une tour élevée afin d’atteindre le ciel ». Ce fut la première fois
que l’humanité se réunit en vue d’une œuvre commune et parce
qu’ils étaient unis, parce qu’ils avaient la même langue, le même
esprit, leur œuvre s’élevait et croissait prodigieusement — symbole
inoubliable qui signifie que notre humanité, tant qu’elle est unie
et tant qu’elle ne gaspille pas ses forces en stupides dissensions, est
capable d’atteindre ce qu’il y a de plus élevé. Et la Bible dit ensuite
que Dieu vit monter vers les cieux le monstrueux édifice et décida
d’empêcher l’œuvre d’aboutir, et le moyen d’empêcher l’humanité de s’élever vers les cieux a été de la rendre désunie. Vous vous rappelez le texte de la Bible : «Il brouilla les langues de sorte
qu’ils ne se comprenaient plus les uns les autres et, parce qu’ils ne
se comprenaient pas, ils s’irritèrent les uns contre les autres et ils se
disputèrent et l’œuvre resta inachevée ». Je me demande s’il y a
dans ce livre merveilleux une plus belle légende : tout notre destin
est exprimé dans ces mots qui veulent dire que toute dispute dérive
d’une incompréhension et que, pour cette raison, notre plus haute
tâche sur la terre, afin d’éviter toute querelle, est de comprendre
le plus possible et, par suite de cette compréhension, d’être juste
au plus haut degré et dans la plus grande mesure à l’égard de tout
homme et de tout peuple.