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faudrait les ouvrir toutes larges, pour laisser entrer à torrents le grand air libre, la chaleur et la lumière.

Cependant, il avait tourné le coin de la rue Plaisir, et il se trouvait dans la rue Fauche, où demeuraient les Savin. Une honte le prit de son découragement, il monta chez eux, se trouva en présence de Mme  Savin, accourue au coup de sonnette.

— Mon mari, monsieur, il est justement là, car il a eu un peu de fièvre ce matin et n’a pu se rendre à son bureau. Si vous voulez bien me suivre.

Elle était délicieuse, Mme  Savin, fine et gaie, avec de jolis rires, l’air si jeune à vingt-huit ans passés, qu’elle semblait la sœur aînée de ses quatre enfants. Elle avait eu d’abord une fille, Hortense, puis deux jumeaux, Achille et Philippe, puis un garçon encore, Léon, qu’elle était en train de nourrir. On disait son mari terriblement jaloux, la soupçonnant, la surveillant, dans une continuelle crise d’inquiétude méchante, sans aucun motif d’ailleurs ; car, orpheline, perlière de son état, épousée par lui pour sa beauté, à la mort de sa tante, comme elle se trouvait seule au monde, elle lui avait gardé de la gratitude et elle se conduisait très honnêtement, en bonne épouse et en bonne mère.

Au moment de faire entrer Marc dans la pièce voisine, elle parut saisie d’un brusque embarras. Sans doute elle redoutait quelque mauvaise humeur de Savin, toujours en quête de querelles, insupportable dans son ménage, et sous lequel, conciliante et charmante, elle préférait plier, pour avoir la paix.

— Qui dois-je annoncer, monsieur ?

Marc se nomma, dit le but de sa visite. Et, d’une souplesse gracieuse, elle disparut par une porte à peine entrouverte. Alors, il attendit, il examina l’étroite antichambre où il se trouvait. Le logement, composé de cinq pièces, tenait tout l’étage. Savin, petit employé des