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l’air plus intelligent que l’aîné, la fillette déjà jolie, avec un rire tendre de blondine.

Mais, comme Marc montrait le modèle aux deux garçons et les interrogeait, Mme Doloir, qui n’avait pas encore dit un mot, debout, s’appuyant à une chaise, énorme et vaillante dans sa lassitude, se hâta d’intervenir.

— Je vous demande pardon, monsieur, je ne veux pas que mes enfants vous répondent.

Et elle disait cela très poliment, sans passion, de l’air d’une bonne mère de famille qui remplit son devoir.

— Pourquoi donc ? demanda Marc surpris.

— Mais, monsieur, parce que nous n’avons pas besoin d’être mêlés à une histoire qui menace de tourner très mal. J’en ai les oreilles rebattues depuis hier, et je ne veux pas en être, voilà tout.

Puis, comme il insistait, défendant Simon :

— Je ne dis pas de mal de M. Simon, les enfants n’ont jamais eu à s’en plaindre. Si on l’accuse, qu’il se défende, c’est son affaire. Moi, j’ai toujours empêché mon mari de faire de la politique, et s’il veut bien m’écouter, il taira sa langue, il reprendra sa truelle, sans s’occuper ni des juifs, ni des curés. Tout ça, au fond, c’est encore de la politique.

Elle n’allait jamais à l’église, bien qu’elle eût fait baptiser ses enfants et qu’elle fût résolue à leur laisser faire leur première communion. Ça se devait. D’instinct, elle était simplement conservatrice, acceptant ce qui est, s’arrangeant avec sa vie étroite, dans la terreur des catastrophes qui rogneraient encore le pain de la famille. Et elle dit encore, d’un air de volonté têtue :

— Je ne veux pas que nous soyons compromis.

C’était le grand mot, il fit plier Doloir lui-même. D’habitude, bien qu’il se laissât guider en toutes choses par sa femme, il n’aimait pas qu’elle usât de sa puissance devant le monde. Mais, cette fois, il s’inclina.