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C’était une amertume nouvelle, cette mort brusque de son gendre, un employé des Finances à l’avenir duquel elle avait eu le tort de croire, qui mourait pauvre, en lui remettant sur les bras sa femme et son enfant. Depuis cette époque, les deux veuves avaient vécu là ensemble, dans le petite maison morne, d’une vie étroite, enfermée, peu à peu rétrécie par les pratiques religieuses les plus rigides. Mais, pourtant, madame Berthereau, que son mari avait adorée, gardait une douceur tendre de cet éveil à l’amour, à la vie ; et, grande, brune comme sa mère, elle avait des traits meurtris et tristes, des yeux de soumission, une bouche lasse où passait parfois le secret désespoir du bonheur perdu.

Un ami de Berthereau, un ancien instituteur de Beaumont, Salvan, alors inspecteur primaire, et devenu depuis directeur de l’École normale, avait fait le mariage de Marc et de Geneviève, dont il était le subrogé-tuteur. Berthereau, esprit très libéré, ne pratiquait pas, mais laissait sa femme pratiquer ; et il avait même fini par l’accompagner à la messe, par faiblesse tendre. Salvan, d’intelligence plus affranchie encore, tout à l’unique certitude expérimentale, avait eu également l’imprudence affectueuse de faire entrer Marc dans cette famille dévote, sans s’inquiéter des conflits possibles. Les deux jeunes gens s’aimaient passionnément, ils s’arrangeraient toujours. Et, depuis trois ans qu’elle était mariée, Geneviève, une des bonnes élèves de la Visitation, de Beaumont, avait en effet négligé peu à peu ses devoirs religieux, jusqu’à ne plus dire ses prières, toute à son amour pour son mari. Madame Duparque s’en montrait profondément affligée, bien que la jeune femme, désireuse de lui être agréable, quand elle passait près d’elle un mois des vacances à Maillebois, se fit un devoir de la suivre à l’église. Mais la terrible grand’mère, qui avait lutté contre le mariage, gardait une noire rancune contre Marc,