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on trouble leur petite mémoire… Donne-moi les noms de quelques-uns, je me charge de la démarche, je la ferai cette après-midi.

Simon refusait, fort de son innocence. Enfin, il voulut bien lui indiquer le fermier Bongard, sur la route de la Désirade, l’ouvrier maçon Doloir, rue Plaisir, et l’employé Savin, rue Fauche. Ces trois-là suffiraient, à moins qu’il ne visitât aussi les papetières, ces dames Milhomme. Et tout fut convenu, Marc s’en alla déjeuner, en promettant de revenir le soir, pour dire le résultat de son enquête.

Mais, dehors, sur la place, Marc se heurta de nouveau au beau Mauraisin. Cette fois, l’inspecteur primaire se trouvait en grande conférence avec Mlle Rouzaire. Il était d’habitude très correct, très prudent avec les institutrices, depuis qu’une jeune adjointe avait failli lui causer de gros ennuis, en criant comme une petite bête, parce qu’il voulait l’embrasser. Bien que laide, Mlle Rouzaire ne criait pas, elle, disait-on, ce qui expliquait ses notes excellentes, l’avancement rapide qui, sûrement, l’attendait. À la porte de son petit jardin, elle parlait avec volubilité, elle faisait de grands gestes, désignant l’école voisine des garçons, tandis que Mauraisin l’écoutait avec attention, en hochant la tête. Puis, tout deux pénétrèrent dans le jardin, et la porte se referma, d’un air de douceur discrète. Évidemment, elle lui racontait le crime, son rôle, les bruits de pas et de voix qu’elle disait maintenant avoir entendus. Et Marc sentit le frisson du matin revenir et l’effleurer, le malaise du milieu hostile, le sourd complot des ténèbres en train de se former, de s’amasser comme un orage, et dont l’air s’appesantissait de plus en plus. Cet inspecteur primaire avait une singulière façon de venir au secours d’un instituteur menacé, en prenant d’abord l’avis de toutes les jalousies et de toutes les haines environnantes.