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se faire aussi institutrice. Puis, ne pouvant se placer à Jonville, où l’excellente Mlle  Mazeline dirigeait l’école des filles, sans adjointe, elle n’avait naturellement pas voulu quitter son mari ; et, prise par son ménage, ayant maintenant sa fillette, elle remettait son premier désir à plus tard, à jamais sans doute. N’était-ce pas là le bonheur, l’entente parfaite, où nul orage ne semblait devoir les atteindre ? Si le brave Salvan, l’ami fidèle de Berthereau, avant de marier la fille du cher disparu, cette petite élève des bonnes sœurs, que sa grand-mère et sa mère avaient confite en dévotion, à ce garçon émancipé, ne croyant plus ni à Dieu ni à Diable, professant la suppression salutaire de l’Église, avait eu un instant la pensée, pour leur bonheur futur, de se mettre en travers de l’irrésistible amour qui les emportait, il devait commencer à se rassurer, en les voyant toujours tendrement unis, après trois ans de mariage. Et, cette nuit-là, pendant que la femme dormait dans un rêve de joie tendre, le mari était pris pour la première fois d’inquiétude, devant le cas de conscience qui se posait, prévoyant bien qu’il entrerait en querelle avec ces dames et que toutes sortes de fâcheuses conséquences s’ensuivraient dans son ménage, s’il cédait à son impérieux besoin de vérité.

Marc pourtant finit par dormir d’un bon sommeil, et il s’étonna le matin, en se réveillant au plein jour clair et joyeux, d’avoir eu ainsi des cauchemars tout éveillé. C’était sûrement la hantise de l’affreux crime. Geneviève, la première, lui en reparla, émue et apitoyée.

— Ce pauvre Simon, il doit être dans une grande peine. Tu ne peux l’abandonner, je te conseille de retourner le voir, ce matin, et de te mettre à sa disposition.

Il l’embrassa, heureux de la trouver si bonne et si brave.

Mais grand-mère va encore se fâcher, la vie deviendra impossible ici.