Page:Zola - Vérité.djvu/416

Cette page n’a pas encore été corrigée


Et, pendant que l’enfant, cherchant les fleurs les plus fraîches, allait et venait le long de la plate-bande, ils passèrent encore là quelques minutes tristes et délicieuses. Ils ne disaient plus rien, leurs idées seules s’échangeaient, fraternelles, uniquement pleines du bonheur des autres, des sexes réconciliés, de la femme instruite et libérée, libérant l’homme à son tour. C’était la grande solidarité humaine, tout ce que l’amitié peut mettre d’étroit et d’absolu, entre deux créatures, homme et femme, en dehors de l’amour. Il était son frère, elle était sa sœur. Et la nuit qui tombait de plus en plus sur le jardin embaumé, leur apportait à eux-mêmes une fraîcheur reposante, dans leur chagrin.

— Père, voici le bouquet, je l’ai noué avec un brin d’herbe.

Alors, Mlle Mazeline se leva, et Marc lui donna le bouquet. Puis, tous les trois marchèrent vers la porte. Quand ils furent devant elle, ils restèrent là un instant encore, ne disant toujours rien, heureux simplement de retarder un peu la séparation. Enfin, Marc ouvrit la porte toute grande, et Mlle Mazeline, après être passée dans son jardin, se retourna, regarda une dernière fois le père, que la fille avait pris entre ses bras, en appuyant la tête à sa poitrine.

— Adieu, mon ami.

— Adieu, mon amie.

Il n’y eut rien autre, la porte fut lentement refermée. Ensuite, des deux côtés, les verrous furent poussés avec douceur ; mais ils s’étaient rouillés, ils eurent un petit cri plaintif. Et cela parut plein de tristesse, c’était fini, quelque chose de bon et de consolant que la haine aveugle venait de tuer.

Un mois s’écoula encore. Marc n’avait plus que sa fille, et il sentait le cercle d’abandon et de solitude se resserrer autour de lui. Louise continuait à suivre la classe de Mlle