Page:Zola - Travail.djvu/542

Cette page n’a pas encore été corrigée

le commencement, j’entre toujours en premier lieu chez mes petits amis qui tètent encore.

— Mais sans doute, répondit Suzanne, s’égayant elle aussi. J’entre avec vous.  »

Dans ce pavillon, le premier à droite, au milieu des roses du jardin, Sœurette régnait sur une centaine de berceaux et sur autant de petites chaises roulantes. Elle surveillait aussi les pavillons du voisinage, mais elle revenait toujours à celui-ci, où étaient trois petites-filles et un petit-fils de Luc, qu’elle adorait. Luc et Josine sachant combien cet élevage en commun était profitable à la Cité donnaient l’exemple, en voulant que les enfants de leurs enfants fussent élevés, dès les premiers pas, avec les enfants des autres.

Josine, justement, se trouvait là, près de Sœurette. Ni l’une ni l’autre n’étaient plus jeunes, la première âgée de cinquante-huit ans, la seconde de soixante-cinq. Mais Josine gardait sa grâce souple, sa délicatesse blonde, sous ses cheveux admirables, dont l’or fin avait simplement pâli  ; tandis que Sœurette, comme il arrive aux filles disgraciées, maigres, brunes, semblait ne pas vieillir, prenait avec l’âge un charme de jeunesse persistante, de bonté active. Suzanne était encore leur aînée à toutes les deux avec ses soixante-huit ans, embellie par l’âge elle aussi, n’ayant jamais eu d’autre beauté que sa douceur affectueuse, sa haute raison attendrie d’indulgence. Et toutes trois entouraient Luc comme trois cœurs fidèles, l’une l’épouse aimante, les deux autres les amies dévouées jusqu’à la passion.

Lorsque Luc entra, en compagnie de Suzanne, Josine tenait sur ses genoux un petit garçon de deux ans à peine, dont Sœurette examinait la menotte droite.

«  Qu’a donc mon petit Olivier  ? demanda-t-il inquiet déjà. Est-ce qu’il s’est blessée  ?   »

C’était le dernier venu, son petit-fils, Olivier Froment,