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des jupes, et elle apparaissait fortement bandée d’un linge, emmaillotée jusqu’au poignet, sans doute un pansement à quelque blessure.

Josine, enfin, prit tout son courage. Elle avait dû descendre jusque chez Caffiaux, regarder à travers les vitres, apercevoir Ragu attablé. Et elle s’avança de son petit pas défaillant, elle lui posa sa petite main de fillette sur l’épaule. Mais lui, dans l’ivresse qui le brûlait, ne la sentit même pas ; et elle finit par le secouer, jusqu’à ce qu’il se retournât.

« Tonnerre de Dieu, c’est encore toi ! Qu’est-ce que tu viens fiche ici ? »

Il avait donné un tel coup de poing sur la table, que les verres et les litres dansèrent.

« Il faut bien que j’y vienne, puisque tu ne rentres pas », répondit-elle, très pâle, fermant à demi ses grands yeux épeurés, devant la brutalité qu’elle pressentait.

Mais Ragu n’écoutait même plus, s’enrageait, gueulait pour la galerie de camarades.

« Je fais ce qu’il me plaît, je ne veux pas qu’une femme me moucharde. Tu entends, je suis mon maître, et je resterai ici tant que ça me fera plaisir.

— Alors, dit-elle éperdue, donne-moi la clé, pour que je ne passe pas au moins la nuit sur le trottoir.

— La clé ! la clé ! hurla l’homme, tu demandes la clé ? »

Et, d’un mouvement de sauvagerie furieuse, il se leva, l’empoigna par sa main blessée, la traîna au travers de la salle, pour la jeter dehors.

« Quand je te dis que c’est fini, que je ne te veux plus !… Va donc voir si elle est dans la rue, la clé ! »

Josine, égarée, trébuchante, jeta un cri perçant de douleur.

« Oh ! tu m’as fait du mal ! »

Dans la violence du geste, le pansement de la main droite venait d’être arraché, le linge rougit tout de suite