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Laboque. Et, les portes s’ouvrant en larges baies, il entendit un violent marchandage, entre le paysan et le quincaillier.

« Ah ! bon sang ! vous les vendez au poids de l’or, vos bêches… Voilà encore que vous augmentez celle-ci de deux francs !

— Dame ! monsieur Lenfant, il y a eu cette maudite grève, ce n’est pas notre faute, à nous, si les usines n’ont pas travaillé, et si tout a renchéri… Je paie les fers plus cher, et il faut bien que je gagne dessus.

— Que vous gagniez, oui, mais pas que vous doubliez le prix des choses… Vous en faites un de commerce ! On ne pourra bientôt plus acheter un outil. »

Ce Laboque était un petit homme maigre et sec, au nez et aux yeux de furet, très actif ; et il avait une femme de sa taille, vive noire, d’une âpreté au gain prodigieuse. Tous deux avaient commencé dans les foires, colportant, traînant dans une voiture des pioches, des râteaux, des scies. Et, depuis dix ans qu’ils avaient ouvert là une étroite boutique, ils étaient parvenus à l’élargir d’année en année, ils se trouvaient maintenant à la tête d’un vaste commerce, intermédiaires entre les usines du pays et les consommateurs, revendant avec de gros gains les fers marchands de l’Abîme, les clous des Chodorge, les faux et les serpes des Hausser, les machines et les outils agricoles des Mirande. Toute une déperdition de force et de richesse s’engouffrait chez eux, dans leur honnêteté relative de commerçants, qui volaient selon usage, avec la joie chaude, chaque soir, lorsqu’ils faisaient leur caisse, de l’argent ramassé, prélevé sur les besoins des autres. Des rouages inutiles, qui mangeaient de l’énergie, et dont grinçait la machine en train de se détraquer.

Alors, pendant que le paysan et le quincaillier se querellaient furieusement, à propos d’un rabais de vingt sous, Luc remarqua de nouveau les enfants. Il y en avait