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sions bien cruels pour nous attaquer à cet excellent cœur qui n’avait jamais eu une mauvaise pensée.

— Il était bon, oui, je sais, ricanait Laurent, tu veux dire qu’il était bête, n’est-ce pas… Tu as donc oublié ? Tu prétendais que la moindre de ses paroles t’irritait, qu’il ne pouvait ouvrir la bouche sans laisser échapper une sottise.

— Ne raille pas… Il ne te manque plus que d’insulter l’homme que tu as assassiné… Tu ne connais rien au cœur des femmes, Laurent ; Camille m’aimait et je l’aimais.

— Tu l’aimais, ah ! vraiment, voilà qui est bien trouvé… C’est sans doute parce que tu aimais ton mari que tu m’as pris pour amant… Je me souviens d’un jour où tu te traînais sur ma poitrine en me disant que Camille t’écœurait lorsque tes doigts s’enfonçaient dans sa chair comme dans de l’argile… Oh ! je sais pourquoi tu m’as aimé, moi. Il te fallait des bras autrement vigoureux que ceux de ce pauvre diable.

— Je l’aimais comme une sœur. Il était le fils de ma bienfaitrice, il avait toutes les délicatesses des natures faibles, il se montrait noble et généreux, serviable et aimant… Et nous l’avons tué, mon Dieu ! mon Dieu !

Elle pleurait, elle se pâmait. Madame Raquin lui jetait des regards aigus, indignée d’entendre l’éloge de Camille dans une pareille bouche. Laurent, ne pouvant rien contre ce débordement de larmes, se promenait à pas fiévreux, cherchant quelque moyen suprême pour étouffer les remords de Thérèse. Tout