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marcher lentement, il lui fallait enfin rentrer à la boutique. Là, l’épouvante l’attendait.

Thérèse éprouvait les mêmes sensations. Tant que Laurent n’était pas auprès d’elle, elle se trouvait à l’aise. Elle avait congédié la femme de ménage, disant que tout traînait, que tout était sale dans la boutique et dans l’appartement. Des idées d’ordre lui venaient. La vérité était qu’elle avait besoin de marcher, d’agir, de briser ses membres roidis. Elle tournait toute la matinée, balayant, époussetant, nettoyant les chambres, lavant la vaisselle, faisant des besognes qui l’auraient écœurée autrefois. Jusqu’à midi, ces soins de ménage la tenaient sur les jambes, active et muette, sans lui laisser le temps de songer à autre chose qu’aux toiles d’araignée qui pendaient du plafond et qu’à la graisse qui salissait les assiettes. Alors elle se mettait en cuisine, elle préparait le déjeuner. À table, madame Raquin se désolait de la voir toujours se lever pour aller prendre les plats ; elle était émue et fâchée de l’activité que déployait sa nièce ; elle la grondait, et Thérèse répondait qu’il fallait faire des économies. Après le repas, la jeune femme s’habillait et se décidait enfin à rejoindre sa tante derrière le comptoir. Là, des somnolences la prenaient ; brisée par les veilles, elle sommeillait, elle cédait à l’engourdissement voluptueux qui s’emparait d’elle, dès qu’elle était assise. Ce n’étaient que de légers assoupissements, pleins d’un charme vague, qui calmaient ses nerfs. La pensée de Camille s’en allait ; elle goûtait ce repos profond des