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jupes de la jeune femme et lui prit les doigts. Il était assis en face d’elle, dans une ombre flottante ; il ne voyait pas sa figure qu’elle tenait baissée sur sa poitrine. Quand il eut saisi sa main, il la lui serra avec force et la garda dans la sienne jusqu’à la rue Mazarine. Il sentait cette main trembler ; mais elle ne se retirait pas, elle avait au contraire des caresses brusques. Et, l’une dans l’autre, les mains brûlaient ; les paumes moites se collaient, et les doigts, étroitement pressés, se meurtrissaient à chaque secousse. Il semblait à Laurent et à Thérèse que le sang de l’un allait dans la poitrine de l’autre en passant par leurs poings unis ; ces poings devenaient un foyer ardent où leur vie bouillait. Au milieu de la nuit et du silence navré qui traînait, le furieux serrement de main qu’ils échangeaient était comme un poids écrasant jeté sur la tête de Camille pour le maintenir sous l’eau.

Quand le fiacre s’arrêta, Michaud et son fils descendirent les premiers. Laurent se pencha vers sa maîtresse, et, doucement :

— Sois forte, Thérèse, murmura-t-il… Nous avons longtemps à attendre… Souviens-toi.

La jeune femme n’avait pas encore parlé. Elle ouvrit les lèvres pour la première fois depuis la mort de son mari.

— Oh ! je me souviendrai, dit-elle en frissonnant, d’une voix légère comme un souffle.

Olivier lui tendait la main, l’invitant à descendre. Laurent alla, cette fois, jusqu’à la boutique. Madame