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LES ROUGON-MACQUART

Mais il redevint très humble, il fallait laisser agir le ciel. Tout son désir, en rapprochant le comte et la comtesse, était d’éviter un scandale public. La religion tolérait bien des faiblesses, quand on gardait les convenances.

— Enfin, reprit madame Du Joncquoy, vous auriez dû empêcher ce mariage avec cet aventurier…

Le petit vieillard avait pris un air de profond étonnement.

— Vous vous trompez, monsieur Daguenet est un jeune homme du plus grand mérite… Je connais ses idées. Il veut faire oublier des erreurs de jeunesse. Estelle le ramènera, soyez-en sûre.

— Oh ! Estelle ! murmura dédaigneusement madame Chantereau, je crois la chère petite incapable d’une volonté. Elle est si insignifiante !

Cette opinion fit sourire M. Venot. D’ailleurs, il ne s’expliqua pas sur la jeune mariée. Fermant les paupières, comme pour se désintéresser, il se perdit de nouveau derrière les jupes, dans son coin. Madame Hugon, au milieu de sa lassitude distraite, avait saisi quelques mots. Elle intervint, elle conclut de son air de tolérance, en s’adressant au marquis de Chouard, qui la saluait :

— Ces dames sont trop sévères. L’existence est si mauvaise pour tout le monde… N’est-ce pas, mon ami, on doit pardonner beaucoup aux autres, lorsqu’on veut être soi-même digne de pardon ?

Le marquis resta quelques secondes gêné, craignant une allusion. Mais la bonne dame avait un si triste sourire, qu’il se remit tout de suite, en disant :

— Non, pas de pardon pour certaines fautes… C’est avec ces complaisances qu’une société va aux abîmes.

Le bal s’était encore animé. Un nouveau quadrille