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LES ROUGON-MACQUART

voulant montrer qu’elle n’était pas fâchée, elle lui donna une robe qu’elle avait mise trois fois. Leurs querelles finissaient toujours par des cadeaux. Zoé se tamponnait les yeux avec son mouchoir. Elle emporta la robe sur son bras, elle dit encore qu’on était bien triste à la cuisine, que Julien et François n’avaient pas pu manger, tant la colère de madame leur coupait l’appétit. Et madame leur envoya un louis, comme un gage de réconciliation. Le chagrin, autour d’elle, la faisait trop souffrir.

Nana retournait au salon, heureuse d’avoir arrangé cette brouille qui l’inquiétait sourdement pour le lendemain, lorsque Satin lui parla vivement à l’oreille. Elle se plaignait, elle menaçait de s’en aller, si ces hommes la taquinaient encore ; et elle exigeait que sa chérie les flanquât tous à la porte, cette nuit-là. Ça leur apprendrait. Puis, ce serait si gentil de rester seules, toutes les deux ! Nana, reprise de souci, jurait que ce n’était pas possible. Alors, l’autre la rudoya en enfant violente, imposant son autorité.

— Je veux, entends-tu !… Renvoie-les ou c’est moi qui file !

Et elle rentra dans le salon, elle s’étendit au fond d’un divan, à l’écart, près de la fenêtre, silencieuse et comme morte, ses grands yeux fixés sur Nana, attendant.

Ces messieurs concluaient contre les nouvelles théories criminalistes ; avec cette belle invention de l’irresponsabilité dans certains cas pathologiques, il n’y avait plus de criminels, il n’y avait que des malades. La jeune femme, qui approuvait de la tête, cherchait de quelle façon elle congédierait le comte. Les autres allaient partir ; mais lui s’entêterait sûrement. En effet, lorsque Philippe se leva pour se retirer, Georges le suivit aussitôt ; sa seule inquiétude