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LES ROUGON-MACQUART

— Mon cher, ça ne vaut rien d’avoir l’air godiche devant sa femme, le premier soir.

— Pourquoi ? demanda le comte surpris.

— Parce que, répondit-elle lentement, d’un air doctoral.

Elle professait, elle hochait la tête. Cependant, elle daigna s’expliquer plus clairement.

— Vois-tu, moi, je sais comment ça se passe… Eh bien ! mon petit, les femmes n’aiment pas qu’on soit bête. Elles ne disent rien, parce qu’il y a la pudeur, tu comprends… Mais sois sûr qu’elles en pensent joliment long. Et tôt ou tard, quand on n’a pas su, elles vont s’arranger ailleurs… Voilà, mon loup.

Il semblait ne pas comprendre. Alors, elle précisa. Elle se faisait maternelle, elle lui donnait cette leçon, en camarade, par bonté de cœur. Depuis qu’elle le savait cocu, ce secret la gênait, elle avait une envie folle de causer de ça avec lui.

— Mon Dieu ! je parle de choses qui ne me regardent pas… Ce que j’en dis, c’est parce que tout le monde devrait être heureux… Nous causons, n’est-ce pas ? Voyons, tu vas répondre bien franchement.

Mais elle s’interrompit pour changer de position. Elle se brûlait.

— Hein ? il fait joliment chaud. J’ai le dos cuit… Attends, je vais me cuire un peu le ventre… C’est ça qui est bon pour les douleurs !

Et, quand elle se fut tournée, la gorge au feu, les pieds repliés sous les cuisses :

— Voyons, tu ne couches plus avec ta femme ?

— Non, je te le jure, dit Muffat, craignant une scène.

— Et tu crois que c’est un vrai morceau de bois ?

Il répondit affirmativement, en baissant le menton.