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LES ROUGON-MACQUART

Cette belle vie dura près d’une semaine. Le comte Muffat venait tous les soirs, et s’en retournait, la face gonflée, les mains brûlantes. Un soir, il ne fut même pas reçu, Steiner ayant dû faire un voyage à Paris ; on lui dit que madame était souffrante. Nana se révoltait davantage chaque jour, à l’idée de tromper Georges. Un petit si innocent, et qui croyait en elle ! Elle se serait regardée comme la dernière des dernières. Puis, ça l’aurait dégoûtée. Zoé, qui assistait, muette et dédaigneuse, à cette aventure, pensait que madame devenait bête.

Le sixième jour, tout d’un coup, une bande de visiteurs tomba dans cette idylle. Nana avait invité un tas de monde, croyant qu’on ne viendrait pas. Aussi, une après-midi, demeura-t-elle stupéfaite et très contrariée, en voyant un omnibus complet s’arrêter devant la grille de la Mignotte.

— C’est nous ! cria Mignon qui, le premier, descendit de la voiture, d’où il tira ses fils, Henri et Charles.

Labordette parut ensuite, donnant la main à un défilé interminable de dames : Lucy Stewart, Caroline Héquet, Tatan Néné, Maria Blond. Nana espérait que c’était fini, lorsque la Faloise sauta du marche-pied, pour recevoir dans ses bras tremblants Gaga et sa fille Amélie. Ça faisait onze personnes. L’installation fut laborieuse. Il y avait, à la Mignotte, cinq chambres d’amis, dont une était déjà occupée par madame Lerat et Louiset. On donna la plus grande au ménage Gaga et la Faloise, en décidant qu’Amélie coucherait sur un lit de sangle, à côté, dans le cabinet de toilette. Mignon et ses deux fils eurent la troisième chambre ; Labordette, la quatrième. Restait une pièce qu’on transforma en dortoir, avec quatre lits pour Lucy, Caroline, Tatan et Maria. Quant à Steiner, il dormirait sur le divan du salon. Au bout d’une heure,