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NANA

fards, pris du désir déréglé de cette jeunesse peinte, la bouche trop rouge dans la face trop blanche, les yeux agrandis, cerclés de noir, brûlants, et comme meurtris d’amour. Cependant, Nana passa un instant derrière le rideau pour enfiler le maillot de Vénus, après avoir ôté son pantalon. Puis, tranquille d’impudeur, elle vint déboutonner son petit corsage de percale, en tendant les bras à madame Jules, qui lui passa les courtes manches de la tunique.

— Vite, puisqu’ils se fâchent ! murmura-t-elle.

Le prince, les yeux à demi clos, suivit en connaisseur les lignes renflées de sa gorge, tandis que le marquis de Chouard eut un hochement de tête involontaire. Muffat, pour ne plus voir, regarda le tapis. D’ailleurs, Vénus était prête, elle portait simplement cette gaze aux épaules. Madame Jules tournait autour d’elle, de son air de petite vieille en bois, aux yeux vides et clairs ; et, vivement, elle prenait des épingles sur la pelote inépuisable de son cœur, elle épinglait la tunique de Vénus, frôlant toutes ces grasses nudités de ses mains séchées, sans un souvenir et comme désintéressée de son sexe.

— Voilà ! dit la jeune femme, en se donnant un dernier coup d’œil dans la glace.

Bordenave revenait, inquiet, disant que le troisième acte était commencé.

— Eh bien ! j’y vais, reprit-elle. En voilà des affaires ! C’est toujours moi qui attends les autres.

Ces messieurs sortirent de la loge. Mais ils ne prirent pas congé, le prince avait témoigné le désir d’assister au troisième acte, dans les coulisses. Restée seule, Nana s’étonna, promenant ses regards.

— Où est-elle donc ? demanda-t-elle.

Elle cherchait Satin. Lorsqu’elle l’eut retrouvée