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On le prévint, à ce moment même, qu’une personne désirait lui parler. Guillaume trouva dans le vestibule le médecin qui avait constaté le décès. Alors celui-ci, avec mille ménagements, lui apprit la sinistre vérité ; il ajouta que, s’il s’était permis de cacher le suicide au public, il avait cru devoir tout dire au fils du défunt. Le jeune homme, glacé par une pareille confidence, le remercia de son mensonge. Il ne pleurait plus, il regardait devant lui d’un regard terne et fixe : il lui semblait qu’un abîme s’ouvrait à ses pieds, insondable.

Il se retirait du pas chancelant des hommes ivres, lorsque le médecin le retint. Ce personnage n’était nullement venu, comme il le disait, pour lui faire connaître la vérité. Poussé par une envie irrésistible de pénétrer dans le laboratoire du comte, il avait compris que jamais meilleure occasion ne se présenterait ; le fils allait l’introduire dans ce sanctuaire, dont le père, de son vivant, lui avait toujours fermé la porte.

— Pardonnez-moi, dit-il à Guillaume, si je vous entretiens de ces choses dans un pareil moment. Mais je crains qu’il ne soit plus temps, demain, de nous livrer à certaines recherches. Les taches observées par moi sur M. de Viargue étaient d’une nature si particulière, que j’ignore absolument le poison qui a pu les produire… Je vous prie de vouloir bien m’autoriser à visiter la pièce dans laquelle on a trouvé le cadavre ; cela me permettra sans doute de vous donner des renseignements plus précis.

Guillaume demanda la clef du laboratoire et monta avec le médecin. S’il l’en avait prié, il l’aurait conduit n’importe où, aux écuries ou dans les caves, sans témoigner la moindre surprise, sans savoir seulement ce qu’il faisait.

Mais quand il entra dans le laboratoire, l’aspect de cette pièce l’étonna tellement, qu’il fut tiré de sa stupeur par une sorte de secousse. La vaste salle était singulièrement changée, il la reconnaissait à peine. Lorsqu’il était venu, il y avait environ trois ans, le jour où son père lui avait défendu tout travail, toute science, elle se