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il y avait une semaine qu’elle ne se sentait plus vivre. La convalescence fut longue. Guillaume fut repris d’une inquiétude sourde ; il se remit à étudier le visage de sa fille, éprouvant un léger serrement de cœur à chaque pustule qui s’en allait. Peu à peu, la bouche et les yeux, attaqués dans les derniers temps, se dégagèrent et le jeune homme se dit qu’il allait voir ressusciter Jacques une fois de plus. Un espoir lui restait. Comme il reconduisait un jour le médecin, il lui demanda sur le seuil de la porte :

— Pensez-vous que le visage de l’enfant garde des marques ?

Madeleine entendit cette question, bien qu’il eût parlé à voix basse. Elle se leva, très pâle, et s’approcha de la porte.

— Tranquillisez-vous, répondit le médecin, je crois pouvoir vous promettre que les boutons ne laisseront aucune trace.

Guillaume fit un mouvement si marqué de regret et de découragement, que sa femme le regarda en face, d’un air de profond reproche. Son regard disait : « Tu défigurerais donc ta fille pour souffrir moins ! » Il baissa la tête, il eut un de ces désespoirs muets qui l’abattaient, lorsqu’il surprenait en lui des pensées cruelles d’égoïsme. Plus il allait, et plus il se sentait lâche devant la souffrance.

Le lit de la petite malade resta dans la chambre des époux près de quinze jours encore. Peu à peu, Lucie se rétablissait. Les espérances du médecin s’étaient réalisées : les boutons avaient entièrement disparu. Guillaume n’osait plus regarder sa fille. Depuis quelque temps, d’ailleurs, il se créait un nouveau sujet d’angoisse ; son esprit inquiet semblait prendre une joie cruelle à se torturer lui-même, en exagérant les moindres faits. Ayant surpris, un jour, un geste de Madeleine qui lui rappelait un mouvement que Jacques, quand il causait, faisait à toutes minutes, en avançant la main, il se mit à observer sa femme, à étudier chacune de ses attitudes, chacune des inflexions de sa