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de porte qui s’ouvrait. Il allongea la tête, il vit alors vaguement dans l’ombre un homme sortir du no 7 et s’éloigner du côté de l’escalier. Quand le bruit des pas de cet homme se fut perdu, il eut un rire silencieux.

— Monsieur n’est plus là, pensa-t-il, c’est l’instant d’aller présenter mes amitiés à madame.

Et il vint à pas de loup frapper à la porte de Madeleine. Lorsqu’il fut entré, lorsque celle-ci l’aperçut devant elle, elle se leva d’un mouvement brusque. D’ailleurs, cette apparition ne lui porta pas le coup rude dont l’aurait écrasée la vue soudaine de Jacques en d’autres circonstances. Elle s’y attendait presque. Depuis qu’elle avait reconnu la chambre, depuis que les souvenirs du passé l’affolaient de nouveau, elle s’imaginait avoir devant elle son ancien amant. Il venait, et cela lui semblait naturel, il était là chez lui. Elle ne se demanda même pas comment il se faisait qu’il se trouvât au Grand-Cerf et qu’il y eût appris sa présence. Elle sentit simplement tout son être se glacer. Droite, rigide, les yeux fixés sur Jacques, elle attendit qu’il parlât le premier, dans un calme étrange.

— Eh ! oui, c’est bien Madeleine, dit-il enfin en baissant la voix.

Il souriait, il la regardait d’un air heureux.

— Ce Joseph a une excellente mémoire… Tu te rappelles, ce garçon qui nous a servis, lorsque nous nous sommes arrêtés dans cette auberge… Il vient de me dire que tu étais ici et qu’il t’avait reconnue… J’ai voulu te serrer la main, ma chère enfant.

Et il s’avança vers elle, les mains tendues, cordialement, souriant toujours. La jeune femme recula.

— Non, non , murmura-t-elle.

Il parut surpris de ce refus, mais il ne perdit pas sa belle humeur.

— Tu ne veux pas que je te serre la main ? reprit-il. Et pourquoi ? tu ne t’imagines pas au moins que je viens troubler tes nouvelles amours. Je suis un ami, Madeleine,