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VI

Les quatre années qui suivirent furent calmes et heureuses. Les époux les passèrent à la Noiraude. Ils eurent, la première année, des projets de voyages ; ils voulaient aller promener leurs amours en Italie ou sur les bords du Rhin, comme il est d’usage. Mais toujours, au moment du départ, ils reculèrent, ils trouvèrent inutile de chercher si loin un bonheur qu’ils avaient sous la main. Ils ne se rendirent même pas une seule fois à Paris. Les souvenirs qu’ils avaient laissés dans leur petit hôtel de la rue de Boulogne les inquiétaient. Enfermés au fond de leur chère solitude, ils se croyaient protégés contre les misères de ce monde, ils défiaient la souffrance.

Guillaume était en pleine félicité. Le mariage réalisait le rêve de son adolescence. Il vivait une vie unie, sans secousse, toute de paix et de tendresse. Depuis que Madeleine habitait la Noiraude, il espérait, il songeait à l’avenir sans frisson. L’avenir serait ce qu’était le présent, un long sommeil d’affection, une suite de jours pareils et également heureux. Il fallait à son esprit inquiet cette assurance de tranquillité continue ; son souhait le plus cher était d’arriver ainsi à la mort, après une existence morte, exempte d’événements, faite d’un sentiment unique. Il se reposait et il comptait ne jamais sortir de son repos.