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Fine marchait vivement, sans se retourner, pressée d’arriver. Elle descendit la rue de Breteuil, remonta la Cannebière jusqu’à la place Royale et s’engagea dans les ruelles de l’ancienne ville.

Mathéus filait toujours derrière elle, se demandant où elle pouvait aller. Ils arrivèrent ainsi tous deux sur la place aux Œufs. Là, Fine disparut brusquement dans une maison, et Mathéus resta quelques minutes au milieu de la place, perplexe, cherchant à faire tourner à son avantage la précaution que prenaient les Cayol.

Dès la veille, Marius, averti par son frère des troubles qui pouvaient avoir lieu autour de la préfecture, s’était décidé à ne pas laisser Joseph dans la maison du cours Bonaparte. Il craignait vaguement un coup de main ; il sentait que M. de Cazalis devait être là, dans l’ombre, guettant la première circonstance qui se présenterait. Quand on se bat dans les rues, on vole souvent dans les maisons.

Marius jugea donc prudent de ne pas garder l’enfant dans la chambre où l’on viendrait, à coup sûr, le chercher, en cas de rapt et il fut résolu, entre lui et Fine, qu’ils le cacheraient quelque part, dès le matin. Ils choisirent pour retraite le petit logement que l’ancienne bouquetière avait longtemps habité place aux Œufs, et que son frère Cadet occupait encore. Tandis que Marius courait les rues pour veiller sur Philippe, sa femme venait de se réfugier avec l’enfant, dans un coin de Marseille où elle ne pensait guère qu’on pût les découvrir. En montant l’escalier, elle était toute joyeuse elle se disait qu’elle et le petit étaient sauvés.

Mathéus, après avoir fait deux ou trois tours sous les arbres, s’approcha d’un poste de gardes nationaux qui se trouvait dans un angle de la place. Ce poste était occupé par des hommes appartenant à une compagnie républicaine. L’espion vit sur-le-champ à qui il avait affaire.

« Il paraît qu’on va se battre devant la préfecture », dit-il au lieutenant.