Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/303

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et Blanche serra ardemment les mains de Fine.

« Vous avez bien fait, dit simplement la bouquetière. De tout temps, vous le savez, j’ai un peu considéré votre enfant comme le mien.

– Je n’ai pas besoin, reprit l’accouchée avec effort, de vous dire de l’aimer. Aimez-le comme vous savez aimer, avec tout votre cœur ; aimez-le pour moi et pour Philippe, et tâchez qu’il ait une vie plus heureuse que celle de ses parents. »

L’émotion étrangla sa voix dans des sanglots. Elle continua, après un court silence :

« Mais si je n’ai que faire de vous demander votre amour pour mon enfant, je vous prie à mains jointes de veiller sur lui avec vigilance.. Dès demain, cachez-le quelque part, dans un coin ignoré, évitez qu’on puisse soupçonner le secret de sa naissance ; en un mot jurez-moi de le défendre contre n’importe qui, et de le garder toujours auprès de vous comme un dépôt sacré. »

Elle s’animait en parlant, et Fine la conjura du geste de baisser la voix. »

« Vous craignez quelque guet-apens ? demanda doucement la bouquetière.

– Je ne sais ce que je crains... Il me semble que mon oncle hait cet enfant, je vous le remets pour qu’il ne reste pas en sa possession. Puisque je ne puis rester là pour veiller sur lui, je désire le laisser à une âme honnête qui en fera un homme. D’ailleurs, si même je ne quittais pas ce monde, je refuserais de le garder avec moi, car je suis faible et lâche, je ne saurais le défendre.

– Le défendre contre quoi ?

– Eh ! je ne sais... Je frissonne, voilà tout. Mon oncle est un homme implacable... Mais ne parlons point de cela... Je vous donne mon enfant, et désormais il est en sûreté. Maintenant, je puis m’en aller tranquille. J’ai eu si peur de ne pas vous voir cette nuit, de ne pouvoir vous remettre ce pauvre être !

Il y eut de nouveau un moment de silence. Fine reprit en hésitant :