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« Nous allons nous promener ensemble, mon enfant, comme deux amoureux... Si vous craignez de vous enrhumer, rentrez, Mme Lambert. Nous vous rejoindrons tout à l’heure. »

Et il reprit le chemin de la falaise, emmenant avec lui Blanche que la malice du vieillard fit sourire. La gouvernante n’eut garde de rentrer ; car elle aurait mieux aimé courir le risque de s’enrhumer vingt fois que de perdre de vue sa prisonnière pendant un quart d’heure. Elle se mit donc à suivre les promeneurs à une dizaine de pas, prise d’inquiétude, tâchant d’écouter ce qu’ils disaient et s’emportant contre les vagues dont les bruits l’empêchaient d’entendre. Elle écoutait à l’aise dans la petite maison, soit franchement, soit cachée derrière une porte ; mais là, sur les rochers, elle n’osait, elle ne pouvait faire son métier d’espion.

Blanche disait au prêtre d’une voix triste et reconnaissante :

« Que je vous remercie de m’avoir aidée à me procurer un moment d’entretien avec vous !... Vous le voyez, ma prison devient chaque jour plus étroite.

– Espérez, ma chère enfant, répondit l’abbé Chastanier, vous serez délivrée bientôt, vous pourrez alors agir selon votre foi et selon votre cœur.

– Oh ! je ne pense pas à moi, ils pourraient faire de ma triste personne ce qu’il leur plairait, sans que j’eusse la moindre idée de révolte... D’ailleurs, vous le savez, ma résolution est prise, vos paroles m’ont indiqué le seul chemin que je puisse suivre maintenant.

– Ce n’est pas moi, c’est Dieu lui-même qui vous a menée à la paix et à l’espoir. »

Blanche sembla ne pas avoir entendu. Elle continua, en s’animant peu à peu :

« J’ai fait le sacrifice de toutes mes joies, je suis heureuse de souffrir, car j’espère ainsi gagner mon pardon... Par moments, je voudrais inventer des cilices plus rudes pour hâter ma pénitence.

– Alors, mon enfant, pourquoi vous plaignez-vous