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qui l’agitait, le guettant comme on guette une proie assurée.

Au moment où celui-ci, contrarié et tout frissonnant, allait se décider à partir, l’inconnu se leva vivement et s’approcha.

« Monsieur, demanda-t-il, voulez-vous jouer une partie d’écarté avec moi ? »

Marius allait accepter avec joie, lorsque Sauvaire, qui le suivait pas à pas, le saisit par le bras et lui dit à voix basse :

« Ne jouez pas. »

Le jeune homme se tourna et questionna du regard le maître portefaix.

« Ne jouez pas, reprit celui-ci, si vous tenez à garder les dix mille francs que vous avez dans votre poche... Pour l’amour de Dieu refusez et venez vite... Vous me remercierez ensuite. »

Marius avait bien envie de ne pas écouter Sauvaire, mais le maître portefaix le tirait peu à peu vers la porte, et, le voyant hésiter, il se chargea de répondre pour lui :

« Non, non, monsieur Félix, dit-il à l’homme qui offrait de jouer à l’écarté, mon ami est fatigué, il ne peut rester plus longtemps... Au revoir, monsieur Félix. »

M. Félix parut fort ennuyé de cette réponse. Il regarda fixement Sauvaire, comme pour lui dire : « De quoi diable vous mêlez-vous ? »

Puis, il tourna sur ses talons, siffla entre ses dents et murmura :

« Allons ! j’ai perdu ma nuit. »

Sauvaire n’avait pas lâché Marius. Quand ils furent tous deux dans la rue, le jeune homme demanda d’un ton fâché à son compagnon :

« Pourquoi m’avez-vous empêché de jouer ?

– Eh ! pauvre innocent, répondit le maître portefaix, parce que j’ai eu pitié de vous, parce que je n’ai pas voulu que ce cher M. Félix vous gagnât vos dix mille francs.