Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée

perdait la tête. Réduit à l’impuissance, ne sachant à quelle porte frapper, dans ses angoisses suprêmes, il songeait au jeu comme à un moyen providentiel qui devait le tirer d’embarras ou le replonger plus profondément dans le néant de son désespoir.

D’ailleurs, il agissait dans la fièvre, ne sachant plus ce qu’il faisait, obéissant aux instincts de la bête. Il regarda Sauvaire, en se demandant si c’était la vertu ou le crime qui venait de mettre cet homme sous ses pas, au moment où la pensée des démarches du député et du supplice de Philippe le torturait. Dans cet instant, il aurait tout accepté, il aurait combattu la mauvaise chance avec n’importe quelles armes.

« Eh bien ! c’est entendu, reprit Sauvaire en le quittant. Où vous trouverai-je, ce soir ?

– Je serai ici, sur la Cannebière, à dix heures », répondit Marius.

Il quitta le maître portefaix et se rendit à son bureau. Jamais il ne s’était trouvé dans un pareil état d’exaltation. Il passa une journée terrible, secoué par la fièvre, la tête brûlante, les yeux vagues, pensant, avec des désirs âpres, à la nuit qu’il allait passer. Il rêvait tout éveillé, voyait l’or s’amonceler devant lui, croyait déjà être riche, et s’imaginait que son frère était libre.

Le soir, il alla chez Fine, comme à l’ordinaire, vers huit heures. La jeune fille sentit que ses mains brûlaient.

« Qu’avez-vous donc ? » lui demanda-t-elle avec inquiétude.

Il balbutia et se sauva en disant :

« Ne me questionnez pas... Philippe sera libre et nous vivrons tous heureux. »

Il passa chez lui, prit cent francs qu’il avait économisés sou à sou, et alla retrouver Sauvaire. À dix heures, ils entraient tous deux au cercle Corneille.