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enquête générale sur la nature et sur l'homme. Voilà comment nous avons été amenés à appliquer à notre besogne la méthode expérimentale, du jour où cette méthode est devenue l'outil le plus puissant de l'investigation. Nous résumons l'investigation, nous nous lançons dans la conquête de l'idéal, en employant toutes les connaissances humaines.

Il est bien entendu que je parle ici du comment des choses, et non du pourquoi. Pour un savant expérimentateur, l'idéal qu'il cherche à réduire, l'indéterminé, n'est jamais que dans le comment. Il laisse aux philosophes l'autre idéal, celui du pourquoi, qu'il désespère de déterminer un jour. Je crois que les romanciers expérimentateurs doivent également ne pas se préoccuper de cet inconnu, s'ils ne veulent pas se perdre dans les folies des poètes et des philosophes. C'est déjà une besogne assez large, de chercher à connaître le mécanisme de la nature, sans s'inquiéter pour le moment de l'origine de ce mécanisme. Si l'on arrive un jour à le connaître, ce sera sans doute grâce à la méthode, et le mieux est donc de commencer par le commencement, par l'étude des phénomènes, au lieu d'espérer qu'une révélation subite nous livrera le secret du monde. Nous sommes des ouvriers, nous laissons aux spéculateurs cet inconnu du pourquoi où ils se battent vainement depuis des siècles, pour nous en tenir à l'inconnu du comment, qui chaque jour diminue devant notre investigation. Le seul idéal qui doive exister pour nous, romanciers expérimentateurs, c'est celui que nous pouvons conquérir.

D'ailleurs, dans la conquête lente de cet inconnu