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est fixée pour longtemps. La formule classique a duré deux siècles au moins ; pourquoi la formule romantique, qui l’a remplacée, n’aurait-elle pas une durée égale ? Et l’on éprouve une surprise, lorsqu’on s’aperçoit, au bout d’un quart de siècle, que le romantisme agonise, mourant lentement de sa belle mort. Alors, la vérité se fait jour. Le mouvement romantique n’était décidément qu’une échauffourée. Des poètes, des romanciers d’un talent immense, toute une génération magnifique d’élan, ont pu donner le change. Mais le siècle n’appartient pas à ces rêveurs surexcités, à ces soldats de la première heure, aveuglés par le soleil levant. Ils ne représentaient rien de net, ils n’étaient que l’avant-garde, chargée de déblayer le terrain, d’affirmer la conquête par des excès. Le siècle appartenait aux naturalistes, aux fils directs de Diderot, dont les bataillons solides suivaient et allaient fonder un véritable Etat. La chaîne se renouait, le naturalisme triomphait avec Balzac. Après les catastrophes violentes de son enfantement, le siècle prenait enfin la voie élargie où il devait marcher. Cette crise du romantisme devait se produire, car elle correspondait à la catastrophe sociale de la Révolution française, de même que je comparerais volontiers le naturalisme triomphant à notre République actuelle, qui est en train de se fonder par la science et par la raison.

Voilà donc où nous en sommes aujourd’hui. Le romantisme qui ne correspondait à rien de durable, qui était simplement le regret inquiet du vieux monde et le coup de clairon de la bataille, s’est effondré devant le naturalisme, revenu plus fort et maître tout-puissant, menant le siècle dont il est le