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l’embarras où se trouvent les critiques consciencieux, lorsqu’ils veulent tenir compte des fameux arrêts du public. Le public rit, l’œuvre en vaut sans doute la peine, examinons-la ; et, lorsqu’on veut l’examiner, on ne sait par quel bout la prendre, on se donne un mal infini pour la classer, sans y parvenir. Un succès comme celui de Niniche ne peut donner à un honnête homme qu’un désir, celui d’être sifflé. Cela soulagerait, vraiment.


V

Justement, l’autre soir, en écoutant à l’Ambigu Robert Macaire, je songeais à la farce moderne, telle que des auteurs de talent et d’esprit pourraient l’écrire. Comparez à nos plats vaudevilles, ce rire de la satire sociale qui sonnerait si vaillamment. Je sais bien qu’il faudrait accorder aux auteurs une grande liberté, leur ouvrir surtout le monde politique où se joue la véritable comédie des temps modernes. Pour moi, la veine nouvelle est là, et pas ailleurs.

Robert Macaire, que la personnalité de Frédéric Lemaître avait animée d’un large souffle, nous paraît aujourd’hui, il faut bien le dire, d’une grande innocence. Les mots drôles abondent, et il en est quelques-uns qui sont même profonds. Mais ce qu’il y a encore de meilleur, ce sont les dessous que nous mettons nous-mêmes dans l’œuvre. Rien n’est au fond plus terrible que cette figure de Robert Macaire, blaguant tout ce qu’on respecte, la vie humaine, la famille et la propriété, la force armée et la religion ; seulement, elle se promène dans u