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les cœurs par son chant, et qui ne doit jamais paraître au soleil, s’il veut plaire ? Il serait resté pour elle une musique douce, rien que l’air ancien d’un amour mystérieux. Elle l’aurait adoré sans le connaître, ainsi qu’un Prince-Charmant, venu de loin, et se mourant de tendresse sous sa fenêtre. Mais, lui, brutal et imbécile, avait rompu le charme. Voilà qu’elle le savait d’une épaisseur de bœuf au labour, et que jamais plus elle n’aimerait sa musique !

En effet, il eut beau reprendre ses airs les plus tendres, choisir les nuits tièdes, embaumées de l’odeur des verdures : Thérèse n’écoutait pas, n’entendait pas. Elle allait et venait dans sa chambre, s’accoudait à la fenêtre, comme s’il n’avait pas été en face, à dire son amour avec des petites notes humbles. Un jour même, elle s’écria :

— Mon Dieu ! que c’est énervant, cette flûte qui joue faux !

Alors, désespéré, il jeta sa flûte au fond d’un tiroir et ne joua plus.

Il faut dire que le petit Colombel, lui aussi, se moquait de Julien. Un jour, en allant à son étude, il l’avait vu devant la fenêtre, étudiant un morceau, et chaque fois qu’il passait sur la place, il riait de son air mauvais. Julien savait que le clerc