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LES ROUGON-MACQUART.

— Dites donc, vous autres ! est-ce que vous croyez que le linge se repasse tout seul ?… En voilà des flemmes !… Houp ! à l’ouvrage !

Les ouvrières ne se pressèrent pas, engourdies d’une torpeur de paresse, les bras abandonnés sur leurs jupes, tenant toujours d’une main leurs verres vides, où un peu de marc de café restait. Elles continuèrent de causer.

— C’était la petite Célestine, disait Clémence. Je l’ai connue. Elle avait la folie des poils de chat… Vous savez, elle voyait des poils de chat partout, elle tournait toujours la langue comme ça, parce qu’elle croyait avoir des poils de chat plein la bouche.

— Moi, reprenait madame Putois, j’ai eu pour amie une femme qui avait un ver… Oh ! ces animaux-là ont des caprices !… Il lui tortillait le ventre, quand elle ne lui donnait pas du poulet. Vous pensez, le mari gagnait sept francs, ça passait en gourmandises pour le ver…

— Je l’aurais guérie tout de suite, moi, interrompait maman Coupeau. Mon Dieu ! oui, on avale une souris grillée. Ça empoisonne le ver du coup.

Gervaise elle-même avait glissé de nouveau à une fainéantise heureuse. Mais elle se secoua, elle se mit debout. Ah bien ! en voilà une après-midi passée à faire les rosses ! C’était ça qui n’emplissait pas la bourse ! Elle retourna la première à ses rideaux ; mais elle les trouva salis d’une tache de café, et elle dut, avant de reprendre le fer, frotter la tache avec un linge mouillé. Les ouvrières s’étiraient devant la mécanique, cherchaient leurs poignées en rechignant. Dès que Clémence se remua, elle eut un accès de toux, à cracher sa langue ; puis, elle acheva sa che-