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LES ROUGON-MACQUART.

— Ah bien ! bégaya-t-il sans cesser de ricaner, vous êtes encore joliment toc !… On ne peut plus rigoler, alors ? Les femmes, ça me connaît, je ne leur ai jamais rien cassé. On pince une dame, n’est-ce pas ? mais on ne va pas plus loin ; on honore simplement le sexe… Et puis, quand on étale sa marchandise, c’est pour qu’on fasse son choix, pas vrai ? Pourquoi la grande blonde montre-t-elle tout ce qu’elle a ? Non, ce n’est pas propre…

Et, se tournant vers Clémence :

— Tu sais, ma biche, tu as tort de faire ta poire… Si c’est parce qu’il y a du monde…

Mais il ne put continuer. Gervaise, sans violence, l’empoignait d’une main et lui posait l’autre main sur la bouche. Il se débattit, par manière de blague, pendant qu’elle le poussait au fond de la boutique, vers la chambre. Il dégagea sa bouche, il dit qu’il voulait bien se coucher, mais que la grande blonde allait venir lui chauffer les petons. Puis, on entendit Gervaise lui ôter ses souliers. Elle le déshabillait, en le bourrant un peu, maternellement. Lorsqu’elle tira sur sa culotte, il creva de rire, s’abandonnant, renversé, vautré au beau milieu du lit ; et il gigottait, il racontait qu’elle lui faisait des chatouilles. Enfin, elle l’emmaillota avec soin, comme un enfant. Était-il bien, au moins ? Mais il ne répondit pas, il cria à Clémence :

— Dis donc, ma biche, j’y suis, je t’attends.

Quand Gervaise retourna dans la boutique, ce louchon d’Augustine recevait décidément une claque de Clémence. C’était venu à propos d’un fer sale, trouvé sur la mécanique par madame Putois ; celle-ci, ne se méfiant pas, avait noirci toute une camisole ; et comme Clémence, pour se défendre de ne pas avoir nettoyé son fer, accusait Augustine, jurait ses